samedi 10 novembre 2007

l'Arche de Zoé au Tchad : héroïsme ou acte odieux ?

Comme vous le savez peut-être, la fin du mois d'octobre a été secoué par un scandale humanitaire tournant autour d'une ONG (Organisation non gouvernementale) d'origine française : l'Arche de Zoé. Le 25 Octobre dernier, six membres de cette organisation, dont leur président Eric Breteau, ainsi que l'équipage d'un avion-charter espagnol sont mis en état d'arrestation par les autorités du Tchad à l'aéroport d'Abéché (à proximité du Darfour) alors qu'ils tentaient de faire transférer une centaine d'enfants en direction de la France. Dans la confusion, les informations concernant cette affaire s'enflamment et les actifs de l'ONG sont précipitamment accusés de trafic d'organes voir d'actions à fournir un réseau pédophile. La dépêche fait un tollé et crée une polémique à grande échelle. Mais derrière cette confusion, qu'en est-il de la réalité des faits ? Si la finalité de l'opération, à savoir le transfert illégal d'enfants vers la France, est indiscutable, beaucoup d'ombres planent sur cette affaire et l'on ne connaît toujours pas les motivations exactes des soi-disant coupables de cette opération. Remettons les choses en ordre.

Tout d'abord qu'elles sont les activités officielles de cette ONG ? L'Arche de Zoé a pour mission d'assurer l'intermédiaire entre des orphelins et des parents qui souhaitent les adopter. Bien sûr le groupe est contraint par le cadre législatif international. De par sa nature apatride, une éventuelle mise en accusation de l'organisation doit se faire dans le pays de l'inculpation. Ici le Tchad. Voilà d'où est partie cette polémique. Connaissant la dureté du régime pénal tchadien, de l'incertitude vis à vis de la qualité de l'enquête et des doutes qui planent sur les réalités exactes de l'incident, le gouvernement français d'abord emmené par Rama Yade, secrétaire d'état aux droits de l'homme, s'est mêlée de l'affaire. L'objectif des représentants français est de faire juger l'affaire en France et surtout de rapatrier les suspects pour leur épargner un jugement incertain. Mais la précipitation et le manque de clarté ont fait que les négociations proposées par la France ont été un véritable fiasco. L’intervention provocatrice du président Sarkozy, qui a promis de ramener tous les ressortissants compromis dans l'enquête, a attisé un peu plus cette fournaise. Aujourd'hui, on craint même une crise diplomatique entre les deux pays tant la démocratie africaine a été représenté comme une nation sauvage.
Mais revenons sur les conditions exactes de l'incident. En pleine période de guerre au Darfour, l'Arche de Zoé a, dit-on, pris la décision très généreuse de "sauver" un maximum d'enfants orphelins en les emmenant sur le vieux continent où des familles d'adoptions étaient prêtes à les accueillir. Mais voilà, tous ces enfants n'étaient pas orphelins et des familles ont réclamés aux autorités tchadiennes le retour de leurs enfants. L'ONG française a donc été entenaillée en se mettant en situation de kidnapping d'enfants. Un délit grave punit par les lois du Tchad. Évidemment les médias ainsi que de nombreuses organisations moralisantes ont hurlé au scandale et la version officielle des faits leur donne raison. Toutefois de nombreuses interrogations brouillent les circonstances exactes de l'opération. Globalement de bonne réputation, l'Arche de Zoé aurait pu effectivement avoir eu la louable intention de sauver des enfants d'une possible mort. En cette période d'instabilité extrême, les parents des enfants auraient également pu vendre leurs enfants puis être revenu sur leur décision. Rien n'est pour l'instant à exclure, surtout dans cette région du monde où la morale n'a pas vraiment sa place. En contrepartie, l'ONG a pu également profiter d'une opportunité de marchander des enfants à moindre coût puisque les familles d'adoptions en France négocient directement avec l'organisation. Tout en sachant qu'un certain nombre de "pré-commandes" avaient déjà été passées. Ce triste fait divers est donc loin de briller par sa transparence.

Mais la question qui secoue le plus l'opinion publique est : faut-il laisser le Tchad prendre en charge le jugement de cette affaire ? Il existe plusieurs réponses possibles. La plus stoïque est aussi la plus logique, et en l'état actuel des choses celle qui devrait être prochainement officialisée : selon la législation internationale et le code civil du Tchad, l'enquête et le jugement de cette affaire seront conclus sur les terres africaines. Seul le recours à des avocats étrangers est toléré. La réponse la plus juste mais aussi la plus subjective serait que les accusés puissent bénéficier d'un procès équitable dans leur pays d'origine. Mais cette décision pourrait porter un coup dramatique à la nature de la relation entre la France, le Tchad ainsi que d'autres pays africains qui se sentiront indirectement concernés par cette atteinte portant un jugement sévère aux méthodes judiciaires africaines. Plus grave encore, cela compromettrait gravement les engagements de la France au Darfour, rompant ainsi les promesses humanistes sanctifiées devant le monde entier.
Le dénouement réel de l'affaire de l'Arche de Zoé est donc loin d'être prononcé. C'est aussi une affaire qui partage l'opinion. En l'absence d'une enquête rigoureuse et impartiale, il sera difficile de se forger une opinion solide quant à la réalité de ce fait divers très brûlant. Les inculpés de cette affaire risquent 20 ans de travaux forcés au Tchad. En attendant, personne n'aimerait être à la place de l'Etat français, partagé entre leur bonne conscience et leur engagements diplomatiques, ni même dans celle des futurs condamnés qui en admettant leur innocence pourraient subir une épreuve particulièrement pénible. Espérons que la raison l'emporte sur la passion.

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